L’accord entre l’Éthiopie et le Somaliland pour l’utilisation du port de Berbera marque une étape importante dans les efforts de diversification des routes maritimes par l’Éthiopie, tout en soulevant des questions stratégiques pour Djibouti. Bien que Djibouti demeure le principal accès maritime pour l’Éthiopie, cet accord avec le Somaliland pourrait modifier certains équilibres dans la région et avoir des implications économiques et politiques pour Djibouti.
1. L’accord Éthiopie-Somaliland : diversifier l’accès maritime
L’accord entre l’Éthiopie et le Somaliland vise à permettre à l’Éthiopie, un pays enclavé, d’accéder au port de Berbera pour une partie de son commerce extérieur. En vertu de cet accord, l’Éthiopie a investi dans l’infrastructure du port de Berbera et de son corridor, cherchant ainsi à réduire sa dépendance au port de Djibouti, par lequel transitent environ 90 % de ses importations et exportations.
Les investissements éthiopiens dans Berbera font partie d’une stratégie visant à multiplier les points d’accès pour son commerce, avec l’idée de prévenir les risques économiques liés à une dépendance unique. Le port de Berbera, situé à environ 937 km d’Addis-Abeba, est plus proche de certaines régions éthiopiennes que Djibouti, ce qui en fait un choix stratégique.
2. Implications économiques et géopolitiques pour Djibouti
Djibouti a bâti une part significative de son économie sur le transit éthiopien. Le port de Djibouti, l’infrastructure ferroviaire reliant les deux pays, ainsi que les installations routières et logistiques représentent une source majeure de revenus pour Djibouti. Cette dépendance à l’égard du commerce éthiopien a permis un développement rapide des infrastructures mais a aussi entraîné des défis, notamment en termes de dépendance économique et d’endettement.
L’accord entre l’Éthiopie et le Somaliland pourrait poser un risque économique pour Djibouti si l’Éthiopie diversifie effectivement ses flux commerciaux de manière significative. Toutefois, la capacité du port de Berbera et les infrastructures encore en développement ne permettent pas encore au Somaliland de concurrencer pleinement le port de Djibouti. En outre, Djibouti conserve plusieurs avantages en termes de stabilité, de services, et d’infrastructures plus modernes, ce qui le place en position de force pour maintenir son rôle d’accès principal à la mer pour l’Éthiopie, au moins à court terme.
3. La position politique de Djibouti : entre coopération et vigilance
Officiellement, Djibouti adopte une position diplomatique prudente vis-à-vis de cet accord. En tant que partenaire stratégique de l’Éthiopie, Djibouti ne peut ignorer les besoins de diversification de son voisin, mais le gouvernement djiboutien surveille attentivement cette évolution.
Djibouti pourrait chercher à maintenir son rôle prédominant en continuant d’améliorer ses infrastructures et de proposer des tarifs compétitifs et des services efficaces. De plus, Djibouti est dans une position unique en raison de la stabilité politique relative qu’il offre, comparée à d’autres pays de la région. La dépendance de l’Éthiopie au port de Djibouti permet également aux deux pays de maintenir une coopération stratégique, Djibouti souhaitant vraisemblablement éviter des tensions qui pourraient impacter son économie.
4. Les perspectives régionales : concurrence et coopération
Dans un contexte de coopération régionale, Djibouti pourrait aussi explorer de nouvelles opportunités pour attirer davantage de commerce d’autres pays de la région, tout en collaborant avec l’Éthiopie et le Somaliland pour renforcer les infrastructures de transport et améliorer la connectivité régionale. Cette concurrence pourrait également pousser Djibouti à diversifier davantage son économie au-delà du commerce de transit éthiopien, en développant d’autres secteurs, notamment la finance, les télécommunications, et le secteur technologique.
Conclusion
L’accord entre l’Éthiopie et le Somaliland pour l’utilisation du port de Berbera reflète la volonté de l’Éthiopie de sécuriser son accès maritime en diversifiant ses options. Pour Djibouti, bien que ce développement présente un défi potentiel, il ne remet pas immédiatement en cause son rôle principal de partenaire commercial maritime pour l’Éthiopie. Toutefois, cet accord souligne la nécessité pour Djibouti de se préparer aux évolutions régionales en renforçant ses propres infrastructures et en poursuivant la diversification de son économie.
Dans les années à venir, la coopération régionale et la stabilité des infrastructures joueront un rôle clé dans l’évolution de ces relations, tandis que Djibouti continuera probablement d’équilibrer entre les besoins éthiopiens et ses propres ambitions de croissance et de sécurité économique.